Hier, j’ai assisté à 12 «pitch». Les quatre premiers ont eu lieu dans les bureaux du réseau Anges Québec. Ils étaient le fruit d’un appel à tous dans le cadre de l’activité «Testez votre pitch». Les huit autres ont au lieu dans les bureaux de L’Esplanade, la maison des entrepreneurs sociaux située dans le quartier Mile Ex. Les pitch de l’Esplanade ont été donnés par les participants de la première cohorte québécoise de l’accélérateur Impact 8, le premier programme d’accompagnement pour les entreprises sociales québécoises à fort potentiel d’impact. Un concept développé par Mars, à Toronto, et qui s’implante au Québec. Les pitch d’Impact 8 étaient minimalistes. Une sorte de version bêta. Les entrepreneurs se sont contentés de se présenter et d’évoquer brièvement la mission de leur entreprise et leurs attentes par rapport à Impact 8. À cette étape, on ne leur demande pas de convaincre qui que ce soit d’investir dans leur entreprise. Ça viendra plus tard, à mesure qu’ils avanceront dans le programme. À la graduation,les huit participants présenteront un «vrai» pitch pour attirer du financement. On y reviendra puisque je suivrai cette cohorte pendant huit semaines. Je partagerai avec vous, dans ce blogue et dans les pages de Les Affaires, ce qu’Impact 8 leur a appris et comment ils comptent l’appliquer dans leur entreprise.
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Parlons des pitch d’Anges Québec. L’activité «Testez votre pitch» s’adresse aussi bien aux entrepreneurs déjà en affaires qu’à ceux qui comptent le faire au cours des prochains mois. Chacun dispose de 5 à 10 minutes. Suit une période de commentaires des anges investisseurs. Ceux-ci ne visent pas à faire un investissement. Mais, les entrepreneurs doivent élaborer leur présentation comme si c’était le but. C’est une répétition. Les pitch étaient donc très différents de ceux des participants d’Impact 8. Ceux d’Anges Québec contenaient un tour d’horizon de la concurrence et des projections financières. Pas ceux d’Impact 8. Ça viendra dans 8 semaines.
Les juges de la session «Testez votre pitch» à laquelle j’ai assisté étaient: Manon Desmarais, Marianne Lépinoit, Enzo Blasi, Ian Obidniak et Arnaud Douilliez. Voici ce que j’ai retenu de leurs conseils et observations.
À propos de l’attitude
1- Résister
Il y a des entrepreneurs «coachables» et des entrepreneurs «non coachables».
Un investisseur préfère un bon entrepreneur avec un mauvais projet à un mauvais entrepreneur avec un bon projet.
2- Ne pas prendre de notes
La majorité des entrepreneurs ne prennent pas de notes après leur pitch, pendant les commentaires des investisseurs. C’est dommage. Et cela ne fait pas toujours bonne impression. Tout comme les entrepreneurs qui répliquent à tous les commentaires des investisseurs.
À propos du contenu de la présentation
3- Trop parler de vous
Et il le fait au mauvais moment de la présentation. Mieux vaut ne pas étaler la liste de tous ses diplômes et expériences professionnelles au début de la présentation, on perd l’intérêt du juge. Se contenter des informations essentielles pour y revenir à la fin, au moment de présenter l’équipe. Vous avez alors parlé de votre produit et votre modèle d’affaires et vous terminez en démontrant que vous avez la bonne équipe pour réussir. Cet ordre est optimal. De toute façon, vous allez bien mieux démontrer votre compétence à travers la solidité de votre modèle d’affaires qu’en énumérant vos diplômes et vos employeurs.
4- Trop parler de votre produit
Parlez plus de votre projet d’entreprise. L’investisseur veut savoir comment vous allez créer de la valeur, car c’est ainsi qu’il récoltera de la valeur. En pitch, l’entrepreneur consacre souvent trop de temps à expliquer le problème qu’il compte résoudre et à décrire son produit. Il en reste peut pour le modèle d’affaires. Trop souvent, l’entrepreneur laisse à l’investisseur le soin d’imaginer comment l’entreprise fera de l’argent!
5- Ensevelir l’investisseur de détails techniques
Dès que l’entrepreneur est un spécialiste plutôt qu’un gestionnaire, il y a risque que le jargon prenne toute la place. L’entrepreneur expert a souvent du mal à faire des choix. Il estime qu’il doit tout dire sinon cela dénature sa présentation. En 5 à 8 minutes, on ne peut pas décrire toutes les spécifications techniques de son produit, encore moins si on en a plusieurs.
6- Négliger la chaîne de création de valeur
Si un produit ou un service implique des fournisseurs, des sous-traitants et autres partenaires, qui fait quoi? Quand? À quel prix ?
7- Trop parler du produit
Parlez plus du client. L’investisseur veut entendre: «mon produit augmente la productivité», «mon produit réduit les coûts», «mon produit permet de sauver du temps».
8- Parler de ventes au lieu de profits
Un grand nombre de pitch ne mentionne aucunement le profit qui sera tiré de chaque vente. L’entrepreneur mentionne le prix de vente de son produit ou de son service, mais il omet le coût de production. Il est évident que les investisseurs poseront des questions à ce sujet.
9- Voir trop grand
«Pour mon produit, le marché est évalué à des milliards de dollars. Il me suffit d’en capter 1% et mon entreprise sera un grand succès.» J’ai entendu des dizaines de pitch contenant une variation de cette phrase. Elle produit rarement un effet positif chez les investisseurs. L’investisseur préfère un discours «bottom up» – combien de clients aurez-vous? Combien de ventes chaque client peut-il générer? – qu’une envolée «top down» – le marché est énorme, il y a une place pour moi au soleil.
10- Soyez cohérent
Votre produit existe ou pas? Avez-vous un prototype? Êtes-vous en précommercialisation? Plusieurs entrepreneurs communiquent des informations contradictoires dans la même présentation. Si bien que l’investisseur ne sait plus à quelle étape se trouve l’entreprise.
Ce qui excite un investisseur
Un pitch réussi fait sentir à l’investisseur que l’entrepreneur fait tout le nécessaire pour vendre, qu’il n’a rien échappé. Qu’il va créer de la valeur et que le rendement sera au rendez-vous.
Une décision délicate
Le pitch doit-il nécessairement être fait par le pdg? Pas nécessairement… Il faut choisir celui ou celle qui a les meilleures chances de capter l’attention, l’intérêt et, peut-être, la sympathie des investisseurs. Et de répondre à la majorité de leurs questions. Parfois, c’est l’expert technique. Parfois, l’expert en commercialisation. Mais, il faut de l’humilité pour le reconnaître.
Source : Diane Bérard (Les affaires)